ArriveCAN pourrait être le clou dans le cercueil politique des libéraux

En matière de chiffres, l’application ArriveCAN du gouvernement fédéral est un véritable désastre. Conçu pendant la pandémie pour présélectionner les voyageurs arrivant au Canada, son coût est passé de 80 000 $ à 59,5 millions de dollars – et peut-être plus.

Des factures pour des travaux effectués sur le projet et d’une valeur de plus de 12 millions de dollars n’y étaient potentiellement pas liées. L’application a demandé à plus de 10 000 personnes de se mettre en quarantaine alors qu’elles n’y étaient pas obligées, et seulement 10 % des voyageurs ont continué à utiliser ArriveCAN depuis que l’application est devenue facultative.

Dans les coulisses se déroule une chorégraphie improvisée entre l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et Services publics et Approvisionnement Canada, qui ont tous contribué à la supervision du projet.

Et puis, il y a eu les contrats à fournisseur unique de 19,1 millions de dollars attribués à une société de conseil d’Ottawa, GCStrategies, qui a sous-traité le travail proprement dit à une multitude de fournisseurs œuvrant dans le domaine des technologies de l’information, dont l’associé directeur de GC, Kristian Firth, a admis avoir gonflé certaines des qualifications.

Si ces chiffres vous font tourner la tête, vous n’êtes pas les seuls. La vérificatrice générale Karen Hogan, qui a remis son rapport sur ArriveCAN lundi, a déclaré que les agences gouvernementales «ont omis à plusieurs reprises de suivre de bonnes pratiques de gestion dans la passation de contrats, le développement et la mise en œuvre de l’application ArriveCan.…

«C’est probablement le premier exemple où je constate un mépris aussi flagrant pour certaines des politiques et règles les plus fondamentales.»

En janvier dernier, lorsque la nouvelle des énormes dépassements de coûts a été annoncée, le premier ministre Justin Trudeau a tenté d’anticiper le désastre. Il a qualifié la décision d’embaucher un tiers pour externaliser le travail d’«illogique et inefficace» et a déclaré qu’il demandait au plus haut fonctionnaire du Canada, le greffier du Conseil privé, d’examiner la question.

Il a également jeté les bases de la défense du gouvernement: «Bien sûr, pendant la pandémie, la rapidité était essentielle, aider les gens rapidement était essentiel, mais il y a des principes et nous nous assurons qu’ils soient respectés à l’avenir.»

Il est vrai que pendant la pandémie, les gouvernements ont pris de nombreuses décisions hâtives fondées sur le principe de précaution. Le monde était confronté à un virus hautement contagieux aux conséquences inconnues à court et à long terme. L’actualité était remplie de rapports faisant état de débordements d’unités de soins intensifs et de morgues, de la Chine à l’Italie en passant par la ville de New York.

Lorsque les vaccins ont été développés, on a espéré que la propagation pourrait être contenue, et ArriveCAN était censé faire partie de cet effort. Mais il est vite devenu évident que l’application était truffée d’erreurs et qu’elle dépassait largement son budget initial.

Et ce n’était pas une situation limitée dans le temps: le drame ArriveCAN, comme la pandémie, a duré des années, donnant aux bureaucrates et à leurs maîtres politiques suffisamment de temps pour se rendre compte de ce qui se passait. Et pourtant, rien ne semble avoir été fait.

Le rapport de la vérificatrice générale apporte beaucoup de réponses, mais soulève également une foule de questions. Comment GCStratégies a-t-elle obtenu ce contrat? Avec qui sont-ils amis au sein du gouvernement, tant au niveau bureaucratique que politique?

Quels bureaux politiques étaient conscients de cet échec coûteux? Quels ministres – y compris le premier ministre – ont été informés de ce fiasco, et quand l’ont-ils su? Pourquoi personne n’a-t-il pensé à appliquer les freins alors que les coûts devenaient incontrôlables?

Cette débâcle nous ramène aux premiers jours de la pandémie, lorsqu’une autre organisation, WE Charity (UNIS), a été confrontée à un revers similaire suite à l’attribution d’un contrat pour coordonner le bénévolat des jeunes.

L’organisation avait auparavant retenu les services de la mère et de l’épouse du premier ministre comme intervenantes lors de ses événements, suscitant des cris de favoritisme. Le gouvernement a réagi en rompant ses liens et en jetant UNIS aux oubliettes, et la tempête médiatique qui a suivi a pratiquement détruit ses opérations au Canada.

Aujourd’hui, Trudeau est déterminé à sacrifier les bureaucrates du gouvernement. D’après le rapport du commissaire aux comptes, ils ont de nombreuses responsabilités, tout comme leurs maîtres politiques. Et comme l’histoire de WE Charity, il est peu probable que celle-ci disparaisse de sitôt.

Le chef conservateur Pierre Poilievre l’a surnommée «ArriveSCAM», et les conservateurs martèleront à juste titre le gouvernement à chaque instant, des conférences de presse à la période des questions en passant par les médias sociaux. Si le gouvernement ne fournit pas de réponses satisfaisantes à ce sujet, cela pourrait être le clou dans le cercueil des libéraux.

Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

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