Brian Mulroney, le dernier premier ministre gentleman

On se souviendra du premier ministre Brian Mulroney pour bien des choses. Il a remporté une élection sur le libre-échange et a ouvert de nouvelles opportunités économiques aux Canadiens. Il a convaincu le président américain Ronald Reagan de signer le traité sur les pluies acides afin de réduire les émissions industrielles qui dévastaient les forêts canadiennes. Il a convaincu la première ministre britannique Margaret Thatcher de se lancer dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il a tenté à deux reprises de faire inscrire le Québec dans la Constitution «avec honneur et enthousiasme». Et il a adopté la TPS, qui, bien qu’impopulaire, était un remplacement nécessaire à la taxe sur les ventes des fabricants qui freinait la croissance des entreprises canadiennes.

Ceux qui l’ont connu personnellement se souviennent cependant de lui pour autre chose: son humanité. Mulroney était un homme politique qui se souciait véritablement des gens. Il était le leader qui prenait le temps de réconforter un collègue, voire un ennemi, s’il pleurait la perte d’un être cher. C’était l’ami fidèle à qui l’on doit le fameux: «Tu dois danser avec celui qui t’a invité» (“ya gotta dance with the one that brung ya”). C’est le premier ministre qui a consacré du temps aux jeunes, non seulement pour brandir des affiches, mais aussi pour parler avec eux et les inspirer.

J’ai rencontré Mulroney pour la première fois à l’adolescence, lorsque sa grande vague bleue a déferlé sur le Québec en 1984, entraînant dans son sillage une foule de jeunes politiciens enthousiastes. Nous avons surfé sur la grandeur des neuf années qui ont suivi: deux gouvernements majoritaires, le bourdonnement grisant du pouvoir. Il y a eu des hauts vertigineux, mais aussi des bas écrasants. L’échec de l’Accord du lac Meech a fait mal, tout comme la défaite de l’Accord de Charlottetown. Le départ de Lucien Bouchard, l’un des amis proches de Mulroney, a divisé la famille conservatrice québécoise et donné naissance au Bloc Québécois.

Mais quels que soient les problèmes qui ont tourmenté «le patron», au pays comme sur la scène mondiale, Mulroney a tenu bon. Sous sa direction, le Canada était un allié respecté des États-Unis, de la Grande-Bretagne et d’autres pays de l’OTAN. Le Canada s’est tenu aux côtés de ses partenaires face à la Guerre froide et à la menace soviétique. Encore une fois, l’humanité de Mulroney a fait la différence. Il a pu nouer des liens avec ses collègues leaders, gagner leur respect et établir des relations qui ont servi les intérêts de son pays et du monde.

Mulroney était à la fois un partisan et un gentleman. Il défendait farouchement son parti, mais savait reconnaître la valeur de ses adversaires. C’est quelque chose que l’on voit rarement aujourd’hui. Le fait que ses adversaires politiques soient aussi des gens de caractère et d’intellect a peut-être aidé: le chef du NPD, Ed Broadbent, le chef libéral, John Turner, et le chef du Bloc, Lucien Bouchard. Mais c’était plus que ça. Mulroney considérait la politique comme une profession honorable et, même s’il pouvait se montrer impitoyable envers ses adversaires, y compris certains au sein de son propre parti, il ne franchissait pas la ligne des coups bas et de la démagogie.

En tant que premier ministre, Mulroney était un homme d’État accompli. Après avoir quitté ses fonctions, il a continué à s’exprimer sur les sujets qui lui tenaient à cœur: la politique étrangère, la place du Québec au sein du Canada et, bien sûr, l’état de la politique et du Parti conservateur. Il a été honnête dans ses évaluations et a fait l’éloge de ceux et celles qui, selon lui, le méritaient – même de l’actuel premier ministre, que la plupart des conservateurs méprisent. Il n’a pas laissé la partisanerie l’aveugler, ce qui est également rare dans le climat hostile actuel des médias sociaux.

Mais le plus grand témoignage du caractère de Mulroney est peut-être sa famille. Son épouse bien-aimée, Mila, était sa partenaire idéale en politique comme dans la vie, à la fois une épouse fidèle et une femme accomplie. Ses quatre enfants ont tous mené des vies exemplaires et réussies, bien qu’ils aient été élevés dans le milieu bien spécial de la politique. Grâce à eux, les deux Mulroney laissent un héritage qui a façonné le paysage politique, médiatique et commercial du Canada, et continuera de le faire pour la prochaine génération.

Et tandis que certains se moquaient de Mulroney pour son penchant pour les belles choses, comme les chaussures Gucci, il a toujours été au fond le garçon de Baie-Comeau, humble et fidèle à ses racines. Lorsqu’il a quitté ses fonctions en 1993, il a simplement déclaré: «J’ai fait de mon mieux pour mon pays et mon parti». En effet, vous l’avez fait, monsieur. Et nous sommes une meilleure nation grâce à votre service.

Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

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