La voie vers la victoire de Pierre Poilievre pourrait passer par les guerres culturelles

Le congrès des conservateurs s’est déroulé sous une pluie d’applaudissements, de séances de photos et de sondages favorables. Le chef Pierre Poilievre a réussi à unir les fidèles du parti et à convaincre les électeurs canadiens, en exploitant leur angoisse économique et leur lassitude face au premier ministre Justin Trudeau, qui est de plus en plus perçu comme étant déconnecté de la réalité.Mais la convention a également ouvert une nouvelle ligne de fracture politique: les guerres culturelles. Les délégués ont voté pour qu’il soit interdit aux enfants de subir des «interventions médicales ou chirurgicales ayant un impact pour la vie» liées au genre, ont défendu les droits des femmes aux espaces publics et aux sports non mixtes et ont rejeté le concept de formations obligatoires sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) ainsi que les pratiques d’embauche fondées sur la race. Une majorité a également appuyé le fait de permettre aux Canadiens de refuser un vaccin pour des raisons d’«autonomie corporelle».Les réactions ne se sont pas fait attendre. Un ancien candidat conservateur trans a déclaré qu’un vote contre les soins d’affirmation de genre pourrait pousser certains enfants au suicide. Un président de circonscription a mis en garde contre la réouverture du débat sur les vaccins. Mais la plupart des critiques sont venues des médias et des analystes qui affirment que les guerres culturelles sont une diversion qui nuira aux conservateurs lors des élections, comme l’a fait le projet de service téléphonique visant à dénoncer les «pratiques barbares» lors des élections de 2015. Poilievre a une énorme avance, basée principalement sur des questions économiques: pourquoi tout gâcher? Les gens ne se soucient que du coût du loyer et de la facture d’épicerie; ces autres préoccupations n’éclaireront pas leurs choix politiques.Mais pour certains électeurs, ces questions sont très motivantes. La société de recherche Angus Reid Institute a récemment demandé aux Canadiens ce qu'ils pensaient des guerres culturelles et a identifié deux groupes d'électeurs qui s'y engagent fortement: les «activistes zélés» qui favorisent les politiques «progressistes» comme l'utilisation des pronoms et représentent 17% des électeurs, et des «objecteurs rebelles» qui rejettent de tels changements et constituent 20% de l’électorat. En fonction de l'affiliation à un parti, une tendance claire se dégage: 47% des Canadiens qui ont voté pour les conservateurs en 2021 sont des objecteurs provocateurs, contre seulement 3% des électeurs libéraux et néo-démocrates.Mais alors que 44% des électeurs du NPD sont des militants zélés, seulement 22% des électeurs libéraux le sont, ce qui suggère qu'il y a beaucoup moins de dogmatisme dans ce groupe.Pour les partis, cela signifie choisir leurs batailles et choisir soigneusement leurs alliances. Les guerres culturelles ne sont pas intersectionnelles. Les parents qui s’opposent à la transition médicale des enfants ne soutiennent pas nécessairement les restrictions à l’avortement. Les défenseurs des espaces réservés aux femmes ne croient pas nécessairement que les gens devraient pouvoir refuser les vaccins. Certains peuvent également être mal à l’aise avec l’idée d’être associés à d’autres.Angus Reid publiera davantage de données dans les semaines qui viennent sur des questions spécifiques, mais leurs conclusions sur l'identité de genre concordent avec les résultats obtenus lors du congrès conservateur: 43% des Canadiens affirment que les parents devraient à la fois être informés et donner leur consentement si un enfant souhaite changer la façon dont ils s'identifient à l'école, tandis que 35% pensent que les parents devraient être informés mais que le consentement n'est pas requis. Ceux qui ont soutenu le Parti conservateur du Canada lors des élections fédérales de 2021 sont deux fois plus susceptibles que les anciens électeurs libéraux (64% contre 30%) et trois fois plus susceptibles que les anciens électeurs néo-démocrates (20%) de dire que le consentement des parents est nécessaire. Lors du congrès conservateur, la résolution interdisant la transition médicale a été adoptée à 69%.Sans surprise, les trois mots qui revenaient le plus souvent dans l’enquête pour décrire les guerres culturelles étaient source de division (60%), épuisant (59%) et inutile (40%). Les experts qui prétendent qu’il s’agit de questions secondaires ont tort: elles se sont infiltrées dans la vie quotidienne des Canadiens. Leurs enfants vont à l’école et dès le premier jour de classe on leur demande d’indiquer leurs pronoms préférés. Leur grand-mère suit un programme d'aquaforme et n'est pas à l'aise avec l’idée de se changer aux côtés d'hommes dans un vestiaire mixte. Ils assistent à des séances de formation DEI où ils sont humiliés pour leur couleur de peau et se contentent de «suivre les autres» pour ne pas être «cancellés».Comme l’a observé le sondeur Nik Nanos, même si certains voient un risque sur le front de la politique sociale, la réalité est que les conservateurs n’ont pas besoin de tous les électeurs: ils ont besoin d’environ 36%. «Une majorité pourrait s’opposer à leur programme social-conservateur et ils pourraient tout de même gagner les élections.» Et une majorité silencieuse pourrait le garantir.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

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Pierre Poilievre's path to victory could run through the culture wars