Les libéraux laissent tomber l’idée d’interdire la pornographie de type deepfake

Comme si le gouvernement fédéral n’avait pas assez de problèmes, il est désormais accusé par ses propres experts de ne pas lutter contre les méfaits en ligne. Lors des élections de 2021, les libéraux ont promis que d’ici 2022, ils présenteraient une nouvelle loi traitant des discours haineux en ligne, de l’incitation à la violence et de l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que de la responsabilité des plateformes de médias sociaux en ces matières. Tout cela en offrant des recours aux victimes. Alors que 2023 tire à sa fin, alors qu’Internet ressemble plus que jamais à un égout à ciel ouvert, ce projet de loi est toujours introuvable.Bernie Farber, membre du comité consultatif d’Ottawa et président du Réseau canadien anti-haine, a déploré cette lenteur. «C’est horriblement frustrant. Le seul outil qu’on a dans notre coffre à outils anti-haine… est une série de lois qui tournent autour de la haine qui, dans de nombreux cas, n’auront aucun effet sur le discours en ligne», a-t-il déclaré.Le retard est apparemment dû à un jeu de chaise musicale qui se déroule entre les ministères. Selon les récentes nouvelles, le dossier est passé des mains de Patrimoine canadien à celles du ministère de la Justice peu après le remaniement ministériel de l’été dernier, mais le transfert n’a pas été entièrement exécuté et le ministère de la Justice ne peut pas avancer.Certains pourraient se féliciter de l’échec du gouvernement dans ce domaine. Après tout, qui souhaite que la police d’État contrôle davantage ce que nous pouvons dire ou voir? Mais l’éléphant dans la pièce n’est pas verbal, il est visuel – sous la forme de la distribution non consensuelle de pornographie et de sa dernière itération: la porno de type deepfake.Selon une étude réalisée en 2019 par la société néerlandaise d'intelligence artificielle Sensity, 96% des vidéos deepfake circulant en ligne sont de la pornographie non consensuelle. Le récent documentaire Another Body traite des dommages infligés par ces vidéos et ceux qui les produisent et les distribuent. On y traite notamment de la sextorsion, de l'humiliation, des carrières brisées et des graves traumatismes personnels.Au Canada, la porno-vengeance a été criminalisée, mais pas la deepfake. Le paragraphe 162.1(1) du Code criminel interdit la publication, la distribution, la transmission ou la vente «d’une image intime d’une personne, sachant que cette personne n’y a pas consenti». Cependant, une «image intime» est définie comme «un enregistrement visuel d’une personne réalisé par quelque moyen que ce soit», y compris une photo, un film ou un enregistrement vidéo. La deepfake ne répond pas nécessairement à ces critères, puisque la partie intime de l’image peut être générée par ordinateur ou utiliser des acteurs pornographiques consentants au moment où leur image a été enregistrée.Récemment, un Québécois a été reconnu coupable d'avoir réalisé de la pornographie juvénile truquée en superposant des photos d'enfants sur des images d'autres enfants victimes d'abus. Le juge a conclu que les enfants dont les corps étaient représentés étaient de nouveau victimisés, même si leurs visages n’étaient pas montrés, ce qui permettait une condamnation en vertu de la loi canadienne en vigueur. Cependant, si les corps avaient été générés par l’IA, il est moins clair si l’auteur aurait été condamné, car le crime ne serait pas visé par les règles interdisant la pornographie infantile.Un certain nombre d'États américains, dont la Californie et la Virginie, ont interdit la distribution de pornographie de type deepfake, et la Grande-Bretagne a proposé un nouveau projet de loi sur la sécurité en ligne pour en criminaliser le partage. Mais ces lois n’ont du mordant que dans leur propre cour: les contrevenants en dehors de ces juridictions ne peuvent pas être poursuivis. Ce qui rend encore plus importante l’adoption d’une législation similaire ailleurs dans le monde, afin de créer des conditions de concurrence équitables pour dissuader les auteurs de telles vidéos.Alors pourquoi le gouvernement n’en fait-il pas une priorité, alors qu’il s’empressait d’adopter d’autres projets de loi encadrant Internet, comme le projet de loi C-11? Un cynique dirait que c’est parce que, contrairement à ce dernier texte législatif, réglementer les préjudices en ligne ne rapportera pas d’argent. Secouer Netflix et Amazon sous prétexte de protéger la culture canadienne promet des centaines de millions de dollars versés dans le Fonds des médias canadiens. Protéger les femmes et les enfants des dangers en ligne, pas tant que ça. Lorsqu’il est question de sécurité publique, dans la vraie vie ou dans le cyberespace, notre gouvernement soi-disant féministe échoue une fois de plus à joindre le geste à la parole.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

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Liberals drop the ball on outlawing deepfake porn