Poilievre bat Trudeau à plate couture – Voici comment s’assurer que la situation ne change pas

Ce fut une année record pour les conservateurs fédéraux et leur chef Pierre Poilievre. Ils ont pris une large avance dans les intentions de vote, en partie grâce à un premier ministre qui a dépassé sa date de péremption. Mais surfer sur une vague de mécontentement est une chose; survivre pendant un an jusqu’aux prochaines élections en est une autre. Alors, comment les conservateurs peuvent-ils transformer ces chiffres en sièges? J’ai demandé à un groupe de stratèges conservateurs ce qu’ils en pensaient, alors que le parti se prépare pour 2024. Voici leurs conseils.

Premièrement, les sondages

Les conservateurs démarrent l’année en pole position. Selon un récent sondage Abacus Data, si des élections avaient lieu aujourd’hui, les conservateurs obtiendraient 41 pour cent des voix, laissant les libéraux mordre la poussière avec 24 pour cent. Le NPD obtiendrait 18 pour cent, les Verts, 4 pour cent, tandis que le Bloc Québécois obtiendrait 33 pour cent au Québec. Le parti de Poilievre est en tête dans tous les groupes d’âge, notamment parmi les milléniaux et les électeurs plus âgés. Il arrive également en tête dans toutes les provinces et régions, sauf au Québec où le Bloc demeure numéro un.

Nanos Research montre que les conservateurs sont en tête avec 39 pour cent des voix, loin devant les libéraux avec 26 pour cent. Le NPD arrive à 21 pour cent. L’«indice de pouvoir des partis» Nanos montre également que les conservateurs dominent, avec une légère baisse le mois dernier au profit des libéraux.

À quoi ressemblerait la Chambre des communes dans un tel scénario? En date du 21 janvier, l’agrégateur de sondages 338 Canada prévoyait que les conservateurs remporteraient 198 sièges, les libéraux 81, le NPD 25, le Bloc 32, les Verts deux et le PPC zéro. En d’autres termes, une véritable marée bleue.

Les questions qui préoccupent

Derrière ces chiffres se cache un mantra simple: montrez-moi l’argent. L’inflation, le coût du logement et l’emploi arrivent en tête de liste, alors que les Canadiens restent anxieux et frustrés de ne pas pouvoir s’acheter une maison ou s’offrir la qualité de vie dont ils aimeraient jouir. Mais ces questions n’existent pas en vase clos. L’immigration, les impôts et l’intégrité sont également des facteurs déterminants, tout comme la lassitude des électeurs face à un gouvernement – et à un premier ministre – qui sera au pouvoir depuis 10 ans au moment où les prochaines élections doivent avoir lieu.

Les conservateurs ont profité de cette lassitude – et la stratège Mélanie Paradis, présidente de Texture Communications, pense que c’est une décision judicieuse.

«La première chose que j’ai remarquée cette année, c’est le ton de Pierre, passant de “Comment pouvez-vous aimer Justin Trudeau?” à “N’en avez-vous pas assez de Justin Trudeau?”», a-t-elle déclaré. «Je pense que c’est intelligent – parce que le défi que le Parti conservateur et sa base ont dû relever au cours de plusieurs élections est de ne pas comprendre comment des électeurs peuvent aimer Trudeau. Ils semblent avoir accepté que ces gens existent, alors au lieu d’attaquer la sympathie envers Trudeau et de s’aliéner ces électeurs, Pierre joue sur la fatigue que ressentent beaucoup de gens – y compris les libéraux.»

Au-delà du facteur de fatigue, les conservateurs ont beaucoup de matières avec lesquelles travailler. Mais il y avait un consensus parmi tous les stratèges avec qui j’ai parlé sur un point particulier: ne pas annoncer de politique avant les élections. Pour reprendre les mots d’un proche conservateur: «Élaborer une politique avant une élection est stupide.» La théorie est que cela donne trop de temps à votre adversaire pour vous écraser, et de toute façon, la plupart des gens n’y prêtent pas attention.

Mais vous ne pouvez pas vous défiler éternellement. Tim Powers de Summa Strategy a averti qu’«à un moment donné, il faudra passer progressivement des slogans à une sorte d’esquisse politique». La question est de savoir quel est le bon moment pour faire ce saut. Jusqu’à ce que les élections soient à l’horizon, les conservateurs continueront probablement d’identifier les problèmes et de souligner les erreurs du gouvernement en poste. En d’autres termes, ils continueront de faire leur travail d’opposition officielle et s’opposeront au lieu de proposer.

L’équipe

En même temps, les conservateurs doivent donner aux Canadiens l’assurance que s’ils détenaient les rênes du pouvoir, ils ne feraient pas dérailler le train. Cela peut être accompli non pas avec des politiques, mais avec les gens.

«Ils ont besoin des meilleurs talents, des personnes les plus intelligentes pour s’assurer que la campagne est la meilleure de sa catégorie dans tous les aspects», a proposé Dan Robertson, directeur de Pathos Strategies. «Le meilleur programme de recherche, les meilleures activités numériques, le meilleur de tout.»

Le fait que les libéraux manquent de temps pourrait profiter aux conservateurs à cet égard: l’un des luxes dont dispose Poilievre est le temps de «faire les choses correctement».

Les candidats sont essentiels à cet exercice.

«Les conservateurs doivent faire ce qu’ils ont fait la semaine dernière: donner aux gens une représentation réelle de ce à quoi ressemblerait un gouvernement Poilievre», a déclaré Mitch Heimpel, directeur des politiques à Entreprise Canada, citant les récentes annonces des candidats potentiels Sabrina Maddeaux et Ellis Ross. Et jeudi dernier, le ministre ontarien Parm Gill a démissionné de son siège à Milton pour se présenter également aux élections fédérales.

Cependant, quelle que soit la notoriété du candidat, Robertson a ajouté que le contrôle est extrêmement important: «Vous ne pouvez plus vous contenter de scruter leurs réseaux sociaux.» Bien que le Parti conservateur ne permette pas au chef de nommer directement les candidats, comme le font les libéraux, il y a «des choses que le parti peut faire» pour promouvoir les candidats préférés, comme l’appui du chef. Cela peut cependant entraîner des problèmes, comme la nomination de l’ami de Poilievre, Arpan Khanna, l’année dernière à Oxford, qui a vu les responsables de la circonscription démissionner suite à des accusations d’empiétement de la part du bureau du chef.

«À faire et à ne pas faire»

Quelles autres choses à faire et à ne pas faire les conservateurs devraient-ils envisager à mesure qu’ils progressent? Le plus important: restez fidèle au message lorsqu’il s’agit de questions économiques. Elles sont à l’origine même de l’avancée des conservateurs. Mais évitez la tentation d’enfoncer ces clous dans tous les contextes. Un bon exemple est le récent refus du parti de soutenir un accord commercial avec l’Ukraine parce qu’il contenait des dispositions sur les taxes sur le carbone. Les libéraux ont rapidement comparé les conservateurs à certains de leurs homologues républicains, qui remettent en question la nécessité d’une aide accrue à l’Ukraine, voire même un engagement de la part des États-Unis.

N’ayez pas deux messages, un pour le Québec et un pour le reste du Canada. Ce conseil vient d’un conservateur québécois et met en lumière la position du parti sur la question de l’immigration, un sujet brûlant partout au pays, mais qui prend des allures très différentes que vous soyez à Mississauga ou en Mauricie.

«Nous sommes encore dans la phase polie de critique du gouvernement d’un point de vue économique, en termes d’impact sur le domaine de la santé et le logement», a déclaré le conseiller. Mais l’inquiétude est que les conservateurs seront poussés par le Parti populaire du Canada à être plus durs à l’égard de l’immigration, donnant ainsi aux libéraux la possibilité de les présenter comme des intolérants, le talon d’Achille du parti en 2015. C’est un exercice d’équilibre que Poilievre a bien réussi jusqu’à présent, en partie en soulignant les racines immigrantes de son épouse Anaida, arrivée au Canada en tant que réfugiée.

Ne tombez pas dans le piège de Donald Trump, tant sur le fond que sur le style. Mordre une pomme en donnant du fil à retordre à un journaliste est peut-être bien tentant, mais cela est tiré directement du petit manuel du parfait Trump. Ça peut faire rire votre base, mais cela joue en faveur de vos adversaires – même si les libéraux ont peut-être exagéré un peu, comme le garçon qui criait au loup.

«Doug Ford a été Donald Trump. Andrew Scheer était Donald Trump. Erin O’Toole était Donald Trump. Donald Trump a été joué par plus d’acteurs que Batman», a déclaré Heimpel, qui pense que les électeurs l’ignoreront.

Paradis prévient cependant qu’il est dangereux de supposer que les gens n’adhéreront pas à la comparaison avec Trump, car il y a encore un faible niveau de reconnaissance de Poilievre parmi l’électorat général: «Il y a encore des gens qui abordent Erin O’Toole dans la rue en lui disant: “N’êtes-vous pas le leader?”» La bulle qu’est Ottawa et la base du parti savent sans doute qui est Poilievre, mais les Canadiens qui ne s’intéressent à la politique qu’en période électorale ne le savent peut-être pas. D’où l’importance de bien définir Poilievre avant que les libéraux le fassent.

Le dernier mot

Enfin, ne soyez pas trop confiant. Sinon, comme Icare volant trop près du soleil, vous risquez de retomber sur Terre de façon plutôt désagréable. Même si nos experts pensent qu’il est peu probable que Poilievre commette cette erreur, ceux qui l’entourent doivent également faire preuve d’humilité et ne pas tenir la victoire pour acquise.

Au lieu de cela, laissez l’adversaire retomber sur sa propre épée. Norm Spector, ancien chef de cabinet de l’ancien premier ministre Brian Mulroney, a donné le conseil le plus succinct: «Lorsqu’un gouvernement tombe, écartez-vous.» En effet.

Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

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