Nous avons dit que nous n'oublierions jamais, mais la génération Z n'a rien à retenir

La semaine dernière, le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il élargirait l’enseignement sur l’Holocauste dans les écoles de la province afin de lutter contre l’antisémitisme. C’est une bonne idée, mais il faut faire davantage pour lutter contre la déferlante de haine qu’on connaît actuellement. Nuit après nuit cette semaine, les Canadiens ont été confrontés à des synagogues incendiées, à des violences anti-juives sur les campus universitaires et à des discours de haine anti-juifs dans nos rues. Ces crimes révèlent une réalité troublante, mais inévitable: peu importe combien de fois nous disons «plus jamais», si vous ne savez de quoi vous parlez au départ, vous êtes condamné à ne pas vous en souvenir.Aujourd’hui, de nombreux jeunes ne savent rien de l’Holocauste et, s’ils en savent un peu, leurs connaissances sont souvent entachées de désinformation. Un sondage réalisé auprès des jeunes Canadiens en 2019 a révélé qu'un sur cinq n'était pas sûr de ce qui s'était passé pendant l'Holocauste. Une enquête réalisée en 2020 auprès d’Américains âgés de 18 à 39 ans a révélé que les deux tiers d’entre eux ne savaient pas que six millions de Juifs avaient été tués, et plus d’un répondant sur dix pensait que les Juifs étaient responsables de l’Holocauste. Près d’un quart ont déclaré qu’ils pensaient que l’Holocauste était un mythe, qu’il avait été exagéré ou qu’ils n’en étaient pas sûrs.Les gens sont choqués par tout cela. Mais ils ne devraient pas l’être. Repensez à votre jeunesse. Si, comme moi, vous êtes né en 1970, vous intéressiez-vous à des conflits vieux de 75 ans? Connaissiez-vous les détails de la guerre des Boers de 1899-1902 entre les Boers britanniques et néerlandais en Afrique du Sud? Saviez-vous que les Britanniques ont construit plus de 100 camps de concentration dans lesquels ils ont interné 115 000 civils, dont 28 000 sont morts de maladie – dont 22 000 enfants?Non, moi non plus jusqu'à ce que je lise Stones for my Father, un livre de Trilby Kent paru en 2011. Je n’ai jamais entendu parler de la guerre des Boers à l’école, personne n’en parlait à table et elle n’a engendré aucune référence culturelle, comme des films ou des séries télévisées.À l’ère de la culture populaire, nous ne pouvons sous-estimer l’importance de ces médias dans la mémorisation et la formation des récits historiques. La Seconde Guerre mondiale a perduré grâce aux rediffusions de «Hogan’s Heroes», de la mini-série «Brideshead Revisited» sur PBS et du roman emblématique de Gabrielle Roy, Bonheur d'occasion. L’Holocauste a été rappelé à travers des livres et des films, comme Le Journal d’Anne Frank, Le Choix de Sophie et La Liste de Schindler.Mais La Liste de Schindler a été réalisée en 1993. C’était il y a 30 ans, bien avant la naissance des enfants de la génération Z. Ce n’est pas qu’ils ont oublié l’Holocauste, ils n’en ont jamais entendu parler comme nous, dans leur vie de tous les jours. Nous avons vu ses histoires sur grand et petit écran, nous en avons entendu parler aux nouvelles et dans des documentaires. Même en tant que jeunes adultes, cela nous suivait et éclairait notre vision du monde.Je me souviens d'avoir voyagé à Berlin quand j'avais 30 ans, assise dans un théâtre sombre, regardant une pièce sur l'Holocauste, entendant les gens sangloter dans le public. J'ai visité le camp de concentration de Bergen-Belsen, qui a été transformé en un mémorial de l'Holocauste rempli de groupes scolaires qui découvraient l'histoire. Les images et les sons ont laissé une empreinte émotionnelle, le mal est resté une chose bien tangible.Mais c’était il y a 23 ans, avant Internet et les réseaux sociaux. Aujourd’hui, les horreurs de l’Holocauste ont été éclipsées par d’autres questions qui réclament une attention particulière, comme les changements climatiques et les questions de genre. Pire encore, au lieu de connaissances, la génération Z consomme de plus en plus de désinformation. Sabrina Maddeaux, une collègue au National Post, a signé une chronique des plus troublantes sur la fracture générationnelle provoquée par les attentats du 7 octobre.«Alors que près de 80 pour cent des Américains déclarent considérer le Hamas comme des “terroristes”, seuls 59 pour cent des 18 à 24 ans le pensent», a écrit Maddeaux. «Plus de la moitié de cette population plus jeune convient également que les attaques du Hamas “peuvent être justifiées par les griefs des Palestiniens”, contre moins d’un quart de la population globale.»Pourquoi? Maddeaux postule que c’est parce que les jeunes obtiennent leurs informations sur TikTok, qui fourmille de fermes de robots produisant de la propagande anti-israélienne et anti-occidentale, déterminées à déstabiliser les démocraties au profit d’États autocratiques comme la Chine. Ajoutez à cela la rhétorique anti-colonisation, anti-oppression et anti-privilèges qui imprègne le système d’éducation, notamment les universités, et il n’est pas étonnant que tant de jeunes voient les Juifs non pas comme des victimes, mais comme des méchants.Les récits de l’Holocauste, comme celui d’Anne Frank, ont été remplacés par des récits modernes qu’ils trouvent plus convaincants.Exemple concret: le film d’animation norvégien de 2018 La Tour. Il a été projeté au Festival du film palestinien de Toronto pour commémorer la «Nakba», «la catastrophe» de la création de l’État d’Israël. Le générique d’ouverture du film résume bien le récit: «En mai 1948, l’État d’Israël est créé. Les deux tiers de la population palestinienne ont été déplacés de leurs résidences ancestrales. C’est ce que les Palestiniens appellent al-Nakba – la catastrophe. Jusqu’à ce jour, ils sont toujours des réfugiés.»La Tour raconte l'histoire d'une jeune Palestinienne de 11 ans, Wardi, qui vit avec sa famille dans la pauvreté d’un camp de réfugiés à Beyrouth. Sidi, l’arrière-grand-père bien-aimé de Wardi, a été l’un des premiers à s’installer dans le camp après avoir été exilé de Galilée pendant la Nakba. Lorsque Sidi donne à Wardi la clé de son ancienne maison en Palestine, qu'il porte toujours autour du cou, elle craint qu'il n'ait perdu tout espoir de rentrer chez lui et commence une quête d'espoir en rassemblant les histoires de sa famille.Si vous êtes un enfant de la génération Z qui regardez ce film, vos sympathies iront naturellement vers la jeune Wardi. Vous ressentirez de la compassion pour son grand-père, chassé de chez lui par des soldats israéliens armés alors qu'il n’était qu’un enfant, contraint de laisser derrière lui sa chienne bien-aimée Lucy. Vous verrez des images du camion des soldats arborant l’étoile de David, sur une musique des plus malveillantes. Vous ressentirez de la colère contre les colons juifs qui tirent sur le grand-père de Wardi. Vous sympathiserez avec les déplacés, pas avec les responsables des déplacements.C’est que vous ne connaissez probablement pas le contexte historique de la création de l’État d’Israël, ni le terrible massacre qui a eu lieu quelques années auparavant. Vous ne savez pas que les Juifs ont également été des réfugiés pendant des millénaires, persécutés et tués à cause de leur foi, vivant dans des ghettos semblables au camp de Wardi. Vous ne saurez pas qu’eux aussi voulaient rentrer chez eux.Vous saurez seulement que Wardi et sa famille ont souffert. Vous vous identifierez à sa souffrance. Sans aucun contexte, sa souffrance deviendra toute votre réalité, et vous voudrez qu’elle réalise son rêve, qu’elle et sa famille rentrent chez elles en Palestine.Lorsque les jeunes scandent «Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre», ils ne font que refléter la version de l’histoire qu’ils ont absorbée à l’école, dans les médias et dans la culture populaire. À mille lieues des événements d’un passé lointain et de ceux qui les ont vécus, ils se forgent des opinions à partir de ce qu’ils voient et de ce qui leur est alimenté par les algorithmes des médias sociaux, faisant ainsi tourner sans fin la roue de l’antisémitisme de l’histoire.Lutter contre cette vague montante de haine nécessite bien plus que de l’éducation. Cela nécessite un engagement émotionnel. Et cet engagement vient de la culture: des films, des livres et des émissions de télévision que nous consommons. Investir dans cet engagement rapportera plus de dividendes que de simples conférences. «Plus jamais» doit être ressenti, entendu et vu pour être compris. C’est pourquoi les horreurs du Hamas, qui ont été filmées, doivent être montrées, tout comme les images de corps brisés jetés à la pelle dans les camps de concentration nazis devaient être montrées il y a 70 ans. Les images sont d’une horreur indescriptible, mais elles témoignent d’une manière que la rhétorique ne peut pas rendre.Dans La Tour, Sidi demande de façon rhétorique à Wardi: «Si nous ne connaissons pas notre passé, d’où venons-nous, que sommes-nous?» Sa réponse est: «Rien». En fait, c'est pire. Sans connaître notre passé, nous sommes ce que les autres nous disent que nous sommes. À moins que ceux qui se souviennent ne se mobilisent et ne montrent à la prochaine génération ce qu’ils ne devraient jamais oublier.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

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We said we'd never forget the Holocaust, but gen Z has nothing to remember

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L'utopie multiculturelle du Canada est désormais une usine à griefs balkanisée